Sans l humain, point de salut : la relation client face aux mutations du tourisme 

Didier Rus, Directeur de Marchés, Armatis

Comment analyser l’évolution du tourisme aujourd’hui ? L’heure est à la relance pour un secteur malmené par les crises successives. Si certains prévoyaient un retour à la normale en 2024, la situation s’est en réalité stabilisée beaucoup plus rapidement. La réouverture de nombreuses destinations, l’intensification des échanges et le boom de nouvelles formes de voyage donnent au tourisme un nouveau souffle, malgré un contexte global encore relativement instable. 

Si les risques et aléas de dernière minute ne sont pas choses nouvelles dans le secteur, les angoisses qui y ont été liées au cours des quelques dernières années restent gravées dans les mémoires, et ont durablement impacté à la fois les attentes et l’accompagnement des voyageurs. Dans le même temps, de nouvelles habitudes de consommation du voyage poussent les professionnels du tourisme à réévaluer leurs modes d’accompagnement de leur clientèle.

Un seul mot d’ordre régit ainsi la relation client dans le tourisme : la réactivité, qui pousse parfois les acteurs du secteur dans leurs retranchements.

Entre crises et nouvelles tendances, entre forte digitalisation et pouvoir de la Voix, comment la relation client s’adapte-t-elle ?

Une filière qui va de l’avant                                  

Les crises récentes se sont à juste titre retrouvées sous les projecteurs, et ont dominé les discours autour du secteur. Il a en effet fallu apprendre à « prévoir l’imprévisible », et anticiper les besoins pour s’adapter à l’évolution des demandes au sein d’un éventail de risques sanitaires, environnementaux et géopolitique qui s’élargit. En arrière-plan, la filière du tourisme continue d’évoluer et d’innover, et demeure un écosystème dynamique auquel les acteurs de la relation client doivent constamment s’adapter. 

Trois grandes tendances peuvent ici être observées. On peut en premier lieu noter une nette augmentation du tourisme de proximité : les Français semblent davantage voyager chez eux, et ont même fait connaître un nouveau rebond à l’hôtellerie – notamment de plein air – lors de la dernière saison estivale. Étant plus connecté à son environnement immédiat, on pourrait argumenter que le touriste d’aujourd’hui perçoit le local comme moins risqué dans un contexte instable. 

Sa connexion se fait également de plus en plus avec l’environnement au sens large, puisque l’impact écologique du voyage revêt une importance croissante. Malgré un aspect encore niche et relativement élitiste, l’écotourisme est une tendance lourde, et irréversible. De plus en plus de voyageurs cherchent à donner du sens à leur voyage – une nouvelle directive qui entraîne inévitablement une différenciation des stratégies d’attraction et de fidélisation des clients. 

La relation client doit ici se faire force de conseil pour les professionnels, à la fois au service de nouvelles destinations, mais également de celles que ces nouvelles attentes pourraient desservir.

Enfin, le secteur a su faire la part belle à la technologie et au digital pour répondre à ces attentes toujours plus précises et mouvantes. La Travel Tech connaît ses heures de gloire, et rivalise d’innovation en matière de facilitation des réservations, de tourisme responsable, ou encore de technologies d’immersion virtuelles. 

Il est également clair que la filière du tourisme a connu un sursaut de digitalisation conséquent dans le contexte de la pandémie : entre sites, applications, plateformes automatisées, la majorité des interactions s’effectuent désormais dans le digital, qui se fait à la fois terrain de jeu commercial pour les professionnels et démultiplicateur de canaux d’interactions avec leurs clients. 

Une digitalisation qui ne supplante pas l’humain

La pandémie n’est pas la seule cause de cette digitalisation : une étude de la DGE en 2016 faisait déjà état de l’élan d’innovation en la matière dans le secteur en France. Aujourd’hui propulsée au niveau supérieur, elle amène les acteurs de la relation client – et ceux du tourisme qu’ils accompagnent – à s’adapter à cet appétit pour le digital tout au long des parcours et séjours. La relation client au sens large dans le secteur a désormais bien intégré cette évolution et les technologies clés qui y sont liées, notamment l’Intelligence Artificielle, dont le potentiel se décline au sein des chatbots intelligents, des systèmes de réservation, ou encore de la personnalisation des contenus.

Le digital et l’automatisation sont donc aujourd’hui suffisamment avancés pour gérer la grande majorité du transactionnel et de l’administratif, situés dans la phase “amont” de l’accompagnement client. Les voyageurs ont désormais conscience que le digital peut régler de nombreux problèmes en peu de contacts, et peut généralement leur assurer un processus de recherche et réservation fluide sans intervention humaine. Il peut également les accompagner tout au long de leur séjour au travers d’applications ou de fonctionnalités sur sites internet. 

Si le digital peut résoudre beaucoup, peut-il cependant tout faire ? Force est de constater que l’autonomie de la part des clients dans la phase d’amont du voyage est désormais presque totalement acquise, et permet de grandement optimiser leur expérience, à l’heure de la recherche d’immédiateté et de facilité. Cette autonomie du voyageur entraîne un déplacement des enjeux de relation client vers l’aval : dans la crise comme dans la stabilité, la qualité de l’expérience client reposera toujours sur la relation humaine, qui trône au centre de cette phase. 

Le contexte anxiogène récent illustre bien cela, puisqu’il a, à l’évidence, provoqué beaucoup d’inquiétude, et par conséquent un besoin de contact démultiplié. Plus que jamais, les voyageurs ont besoin de temps, d’une force de conseil et de réassurance pour gérer les aléas. L’empathie, l’adaptation et la réactivité sont des compétences essentielles pour les accompagner, et leur maîtrise est une pièce maîtresse de la rétention et fidélisation des clients. La Voix demeure un canal central, vital, et ne saurait se faire supplanter par un « trop plein » digital qui pourrait peut-être, à long terme, menacer le secteur.

Cette réactivité, clé dans la crise, doit aussi se retrouver dans la stabilité. Le voyageur d’aujourd’hui, en voyage comme dans sa vie quotidienne, souhaite trouver ce qu’il veut, où il veut, et quand il le veut. Les professionnels du secteur doivent donc s’adapter pour répondre à ces attentes de façon toujours plus efficace et personnalisée. Serait-ce d’ailleurs ici que l’humain se conjuguerait le mieux avec le digital ?

L’évolution des attentes des consommateurs, les progrès technologiques et les crises qui impactent le secteur sont donc autant de tests pour l’efficacité des modèles d’accompagnement client. S’il s’agissait auparavant de s’attendre à subir plus qu’à agir, l’heure est désormais à l’anticipation, et à la confiance donnée au digital. La maîtrise de ce dernier est essentielle pour accompagner les professionnels face aux mutations du secteur. Si la pente « full digital » est tentante et peut sembler garante d’efficacité face à l’humain, l’équilibre doit cependant absolument demeurer.

Article publié par TOM Travel le 7 février 2023.

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